La colonisation européenne de l’Afrique à travers les africains eux-mêmes :
L’exemple de l’Eglise Catholique au Cameroun
de Jean-Paul Pougala - Partie 1/5
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Extrait de Comprendre l’histoire de l’Afrique -
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La civilisation d’un peuple a son fondement dans sa culture, dans sa spiritualité. Un peuple sans spiritualité est un peuple sans civilisation.
Pour justifier sa prétendue Mission Civilisatrice vers l’Afrique, l’Europe devait avant toute chose détruire ce qui fait la civilisation, ce qui fonde la fierté d’un peuple, sa spiritualité. Et une Afrique sans spiritualité devenait par conséquent, une terre sans passé, un terre sans avenir et en définitif, une terre sans horizon. Le colonisé devient comme une plante dans la nature à subir pluie et soleil sans manifester la moindre opposition.
Le sommet de la perversité de la violence coloniale européenne en Afrique est symbolisée à mes yeux, par le fait de réduire le colonisé, la victime africaine de la colonisation à un état tellement végétatif, incapable de réfléchir qu’il finit par remercier son bourreau et tous ses complices africains.
Monsieur Philippe Stevens est un citoyen belge, est né en 1937 à Quaregnon, en Belgique. Et envoyé au Cameroun à l’âge de 28 ans, en 1965, pour contribuer à la guerre engagée par l’Europe, pour la destruction d’une identité autonome africaine, de la spiritualité africaine.
Il devient évêque du diocèse de Garoua de 1995 à 2014.
c'est durant cette période qu'il écrit de Tokombéré, le 21 Février 1999 une prière que tous les camerounais doivent réciter tous les jours pour implorer Jesus d'inspirer le Pape à Rome afin qu'il nomme le premier Saint Cameroun. Le Saint Baba Simon, Baba pour Papa, Père.
Voici l'intégralité de la prière intitulée :
Prière pour obtenir la béatification de Baba Simon
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Dieu, toi qui es notre Père,
tu veux rassembler tes enfants pour qu’ils participent tous à ton travail de création.
Pour cela, tu envoies aux hommes des témoins de ton amour.
Tu as choisi Simon Mpecke au milieu de ton peuple
et tu en as fait un prêtre de ton Fils.
A l’écoute de ta Parole et par amour de ses frères il a laissé sa famille
et ses amis pour annoncer la Bonne Nouvelle
dans nos montagnes du Nord-Cameroun.
Au milieu de nous il a découvert que ton Esprit
travaille au cœur de tous les hommes de bonne volonté.
Avec patience et sans compter, il a donné toute sa vie
pour que la Parole de Jésus retentisse au cœur de nos traditions.
Fais, nous t’en prions, qu’un jour l’Église toute entière
chante ta gloire en Baba Simon.
Qu’elle proclame saint et bienheureux celui qui,
avec nous et pour nous,a ouvert le chemin de la Vie Nouvelle.
Nous te le demandons par Jésus Christ, ton fils et notre frère
pour les siècles des siècles.
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Mais qui est-ce Simon Mpecke ?
Mpecke est né sous l’administration coloniale allemande, en 1906 à Log Batombé, petit village situé à 4 kilomètres de la ville d’Edéa au Cameroun.
A la fin de la 1ère guerre mondiale, les allemands défaits cèdent la place aux français et aux britanniques.
Parti un colon arrive un autre, oui mais c’est plus approprié de dire : Parti un colon avec son Jesus, arrive un autre avec un autre Jesus, pour tenir et soumettre les populations. Ainsi, à la fin de la colonisation allemande du Cameroun, les « Pères Pallottins allemands », cèdent leur place aux « Pères Spiritains français ».
Le 14 août 1918, Mpecke a 12 ans, lorsqu’il est baptisé à Édéa par le père de la congrégation des « Spiritains » Louis Chevrat, qui lui donne désormais le nom de SIMON Mpecke.
SIMON Mpecke devient ainsi le premier prêtre catholique camerounais, ordonné prêtre avec pour mission principale d’utiliser Dieu, Jesus, pour plier la très longue résistance du peuple Kirdi d’abord contre l’Islam et ensuite contre la colonisation allemande, et maintenant, française.
Cette histoire démarre en 1705, en France. Le royaume de France est en pleine activité d’esclavage à travers la déportation des victimes africaines d’abord vers Nantes, Bordeaux, Dunkerques, ensuite vers l’Amérique. Pour donner sa bénédiction à ce trafic odieux, le Pape à Rome a donné sa bénédiction en prétextant que les Africains n’ont pas d’âme et donc, ils peuvent être vendus et employés aux travaux champêtres comme les bœufs, comme les ânes, sans aucune distinction.
Mais à cause de nombreuses révoltes des esclaves, il faut trouver une parade pour les calmer. C’est la naissance de ce qui deviendra la Congrégation religieuse des Pères Spiritains ou du Saint-Esprit.
Le 27 mai 1703, jour de la Pentecôte, naît le séminaire du Saint-Esprit, créé par le jeune aristocrate breton, Claude Poullart des Places (1679-1709). Le but officiel affiché est celui d’assister les « Pauvres » de France, d’abord et les Pauvres des colonies ensuite.
Vous remarquerez au passage que pour ce qui est des colonies, le mot « esclave noir » est volontairement remplacé par « pauvre », pour ne pas heurter la sensibilité des généreux donateurs sollicités pour financer les razzias esclavagistes en Afrique et qui seraient choqués par les vocabulaires atroces même si plus véridiques.
Le 2 novembre 1789, à la Révolution française, l’Assemblée Nationale française décrète que tous les biens de l’Eglise Catholique sont désormais propriété de la nation française. Le 18 août 1792, l’Assemblée Législative post-révolution supprime les congrégations religieuses, dont celle du Saint-Esprit. Tous les biens de toutes les congrégations religieuses sont saisis, les maisons confisquées. Les bibliothèques et les archives religieuses deviennent les « Archives Nationales ».
Le 14 février 1794 la Convention, au nom des droits de l'Homme, abolit l'esclavage dans les colonies françaises.
Mais en 1802, Napoléon Bonaparte le rétablira. Mais Napoléon 1er a besoin des religieux pour relancer l’esclavage et la colonisation. Il va revenir sur l’expropriation de l’Eglise notamment à travers son décret impérial, le 2 germinal an XIII (23 mars 1805). L’ordonnance royale du 3 février 1816 re-donne tous les droits à la congrégation du Saint-Esprit et surtout lui donne mandat de : « recruter et former le clergé colonial ». C’est à ce titre que Napoléon lui redonne son ancien siège historique situé à la rue des Postes à Paris.
La Congrégation du Saint-Esprit devient ainsi le principal centre d’où partiront les missionnaires catholiques pour toutes les colonies françaises.
Parmi ces missionnaires, un nom nous intéresse : Libermann.
Jacob Libermann est né le 12 avril 1802 et décédé le 2 février 1852. C’est un juif converti au catholicisme, il devient : François Paul Marie Libermann. Prêtre du diocèse de Strasbourg, il est fondateur de deux congrégations religieuses missionnaires pour l'évangélisation de l'Afrique, la Société du Saint-Cœur de Marie et la Congrégation du Saint-Esprit.
Jacob devenu François Libermann, est le fils du rabbin de Saverne (en Alsace, en France), et sera rejeté par son père rabbin à cause de sa conversion au catholicisme. C’est pour cela qu’il ne devient Prêtre que l’année de la mort de son père.
Parallèle à la Congrégation des Pères Spiritains, il fonde sa propre congrégation, la société du Saint-Cœur de Marie, exclusivement destinée à neutraliser la rébellion des Noirs d’Afrique et des esclaves devenus libres dans les îles de Saint-Domingue (Haïti) et Bourbon (La Réunion).
La technique de manipulation des victimes africaines de la colonisation française se résume en un seul mot : l’hypocrisie ! Pour Libermann, il faut faire croire aux africains qu’on les adore, qu’on aime leur culture, qu’on aime leurs dieux, mieux encore que les blancs sont leurs serviteurs, leurs esclaves.
Il suggère à ses missionnaires envoyés en Afrique plus ni moins que de « devenir Nègres parmi les Nègres ». Ou plus précisément, voici ce que dit la phrase de sa lettre adressée à ses prêtres au Sénégal et au Gabon le 19 novembre 1847 :
"Soyez nègres avec les nègres afin de les gagner à Jésus-Christ."
« Faites-vous Nègres avec les Nègres pour les former comme ils le doivent être, non à la façon de l’Europe, mais laissez-leur ce qui leur est propre; faites-vous à eux comme des serviteurs doivent se faire à leurs maîtres… »
Voici en détail la lettre pleine de condescendance et de paternalisme sur les africains comme des mineures qu’on sauve de leur barbarie animalière :
« Ne jugez pas au premier coup d'œil, ne jugez pas d'après ce que vous avez vu en Europe, d'après ce à quoi vous avez été habitués en Europe ; dépouillez-vous de l 'Europe, de ses mœurs, de son esprit ; faites-vous nègres avec les nègres, et vous les jugerez comme ils doivent être jugés ; faites-vous nègres avec les nègres pour les former comme ils le doivent être, non à la façon de l'Europe, mais laissez-leur ce qui leur est propre ; faites-vous à eux comme des serviteurs doivent se faire à leurs maîtres, aux usages, au genre et aux habitudes de leurs maîtres, et cela pour les perfectionner, les sanctifier, les relever de la bassesse et en faire peu à peu, à la longue, un peuple de Dieu. C'est ce que saint Paul appelle se faire tout à tous, afin de les gagner tous à Jésus-Christ.»
Oui, vous avez bien lu, il faut les « pour les perfectionner, les sanctifier, les relever de la bassesse et en faire peu à peu, à la longue, un peuple de Dieu ».
Il faut les relever de leur bassesse, parce que leur nature est une nature proche de l’animale, leurs divinités sont des divinités sans valeur. Heureusement qu’il a dit de ne pas juger les africains, mais il a déjà décidé vers où il faut les conduire.
Mais qu’en pense un intellectuel africain qui est passé par ce système de l’école coloniale version Saint-Esprit ? L’académicien français et président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor ?
Il s’exprime dans la préface du livre : « Libermann 1802-1852, une pensée et une mystique missionnaires » de : Paul Coulon et Paule Brasseur, paru le 20/06/1988 aux éditions : Cerf
Voici ce qu’il écrit pour justifier la condescendance de Libermann :
« En somme, ce que demande Libermann à ses missionnaires, partis dans les colonies d’Afrique noire, c'est de se faire colonisés avec les colonisés, plus concrètement, « nègres avec les nègres ». Mais surtout, qu 'on ne s 'y trompe pas, Libermann ne met rien de péjoratif dans le mot. Il précise, en effet, que les missionnaires « doivent se faire à leurs maîtres, aux usages et aux habitudes de leurs maîtres », à leur « négritude », comme nous disons aujourd'hui. Mais, passant des civilisations terrestres, laïques, aux civilisations célestes, du moins chrétiennes, Libermann conseille de « perfectionner », « sanctifier » et « relever de la bassesse » la civilisation négro-africaine. »
Pour Senghor, il est d’accord avec Libermann qu’il faut :
« relever de la bassesse » la civilisation négro-africaine. »
Amen !
CONCLUSION PARTIELLE
Senghor est le résultat de ce que recherchait Napoléon : un nouvel être africain qui renonce à être lui-même pour espérer devenir le clone du français modèle, catholique. Senghor, comme Baba Simon, Jean-Marc Ela au Cameroun, sont tous des fruits du formatage voulu par Napoléon 1er, qui a du mal à comprendre pourquoi on a aboli l’économie esclavagiste des européens contre les africains.
L’Africain de Napoléon doit être en quête perpétuelle de la civilisation chrétienne européenne. Devenir chrétien, doit devenir pour lui un point d’arrivée, un accomplissement, d’achèvement, de réussite.
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Jean-Paul Pougala
Vendredi le 20/11/2020
Vendredi le 06 Novembre 2020
"COMPRENDRE L’HISTOIRE DE L’AFRIQUE"
de Jean-Paul Pougala (livre bientôt en vente aux abonnés du site payant : www.pougala.net )
INTRODUCTION
« Nous n’avons pas derrière nous la grande et glorieuse généalogie où la loi et le pouvoir se montrent dans leur force et dans leur éclat. Nous sortons de l’ombre, nous n’avions pas de droit et nous n’avions pas de gloire et c’est précisément pour cela que nous prenons la parole et que nous commençons à dire notre histoire ».
Paul-Michel Foucault (1926-1984), dans « Il faut défendre la société », Page 62.
Et moi j’ajoute : Je n’ai pas de gloire en dehors de celle que moi-même ai rapportée. Je n’ai pas d’histoire en dehors de celle racontée par moi-même. Et c’est bien parce que je suis capable de prendre conscience du fait que l’histoire racontée par les autres n’est pas la mienne que je dois me préparer à réunir les fragments des évènements cachés, pour écrire moi-même, ma propre histoire.
Foucault dit que nous sommes au cœur d’une guerre de race. Il y a au centre la race dominante qui a fixé pour tout le monde les critères de « la bonne race », la sienne. Elle est le centre, la métropole et toutes les autres races sont la périphérie et doivent se conformer à elle. Il existe une seule histoire, la sienne, celle du centre. La périphérie n’a pas d’histoire.
Il existe une seule connaissance, la sienne, celle du centre. C’est la référence. Le savoir de la périphérie est subalterne, c’est un « savoir assujetti » un savoir disqualifié, discrédité par la hiérarchie des connaissances ou « tenu en lisière» : un savoir infâme. Et de ce savoir infâme ne peut provenir aucune histoire, aucune vérité.
Dans ces conditions, vouloir raconter une contre histoire, « l’Histoire des Oubliés de l’Histoire » est selon Foucault, une forme de résistance, un catalyseur de différentes relations de pouvoir. Parce que « la vérité est partisane ».
Et par conséquent, il n’y a pas une seule vérité. La vérité du bourreau ne peut pas être la même que celle de ses victimes. Sauf que c’est la vérité du bourreau qui est l’histoire officielle. Et puisqu’il disqualifie à travers sa hiérarchie de la connaissance, tout savoir venant de la victime, même cette dernière croit par erreur qu’il est dans son intérêt d’aller chercher la connaissance au centre, à son bourreau. Oubliant de fait qu’il s’agit qu’une connaissance biaisée, racontant une vérité partisane qui nie sa propre existence.
L’oublié de l’histoire, pour raconter lui-même sa propre histoire a besoin selon Foucault, de nouvelles connaissances dans lesquelles, la vérité racontée montre finalement, « quelqu’un d’autre qu’une imitation, quelqu’un d’autre que le jouet du mauvais sort colonial, quelqu’un d’autre qu’une existence clonée par le regard du bourreau ».
Parce que pour l’histoire officielle, selon Foucault, la victime est un être fictif. Et par conséquent, même son histoire est fictive. Il n’existe qu’à travers l’histoire de son bourreau. Il n’a d’existence qu’à travers la vérité partisane du bourreau qui le définit forcément comme un sauvage, un indigène, une infamie.
Foucault parle plus précisément de ces victimes traitées par le bourreau comme des « hommes infâmes », des êtres quasi fictifs dont la vie aurait été réduite à « quelques mots terribles qui étaient destinés à les rendre indignes pour toujours de la mémoire des hommes » et dont le retour « maintenant dans le réel se fait dans la forme même selon laquelle on les avait chassés du monde »
M. Foucault, dans « La vie des hommes infâmes », Dits et écrits, T. III, Paris, Gallimard, 1994, p. 243
Pour sortir de l’infamie, pour les victimes, Foucault a trouvé 3 formes de luttes possible :
1) la lutte qui s’oppose aux formes de dominations sociales, ethniques ou raciales ;
2) la lutte contre l’exploitation au travail ;
3) la lutte contre la soumission de la subjectivité.
Pour dire sa part de vérité partisane, c’est la 3ème forme de lutte qui nous intéresse.
Pour y parvenir, Foucault suggère de passer par « un retour de savoir » et par « l’insurrection des savoirs assujettis ». Ce qui signifie qu’il faut avant tout être en mesure de remettre en question tout le savoir reçu du modèle éducatif créé par le bourreau, pour ensuite, rechercher les contenus historiques cachés dans des « systématisations formelles » et qui permettront de mettre en avant le plus important qui est la séparation des différentes luttes que l’histoire officielle veut faire oublier.
En d’autres termes, l’histoire officielle de l’esclavage et de la colonisation vue et propagandée par les européens fait de la prestidigitation en nous racontant le grand humaniste et l’altruiste de civilisation européenne envers les autres peuples, omettant soigneusement de mettre en avant la violence inouïe qu’elle a incarnée, mettant en sourdine toute la violence qui l’a accompagnée.
L’intérêt de la victime de mener une résistance efficace est donc de commencer à être capable de séparer ses différentes luttes pour finalement accorder la priorité à la plus importante des luttes, celle pour mettre fin à la soumission, en allant chercher ce que l’histoire officielle a intérêt à cacher.
Et c’est seulement à ce moment, qu’on pourra commencer à écrire selon Foucault, « l’histoire des éternels oubliés de l’histoire », créatures des fantasmes exotiques de l’esclavage et de la colonisation européens contre l’Afrique.
Ecrire l’histoire des « sans-grade et des oubliés de l’histoire », c’est chercher et retrouver les traces d’une autre histoire, celle des formes de dominations ordinaires, héritières du colonialisme à travers les événements et les formes différentes formes de résistance de ces « sans-grade ».
C’est à ces conditions proposées par Foucault, que nous pourrons structurer notre pensée, pour réécrire l’histoire qui nous permettra de comprendre l’histoire de l’Afrique, mieux, l’histoire des éternels oubliés de l’histoire de l’Afrique.
(...)
E x tr a it de :
"COMPRENDRE L’HISTOIRE DE L’AFRIQUE"
de Jean-Paul Pougala (livre bientôt en vente aux abonnés du site payant : www.pougala.net )
JPP05/11/2020
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Samedi le 30/10/2020
ENTRE LE BOURREAU ET SA VICTIME QUE CHOISIT LE CAMEROUN ?
de Jean-Paul Pougala
Le camerounais, Dr. Félix Moumié et son assassin, le français William Betchtel des services secrets français.
La Faute de Moumié ?
Vouloir l'indépendance du Cameroun de la soumission à la France.
Que voulait la France ?
Réponse dans la conclusion de la Conférence dite de Brazzaville du 30 janvier 1944, où le Général de Gaulle affirme que la France ne va jamais concéder la liberté aux pays africains.
C'est ce qui pousse de nombreux intellectuels africains à se battre pour refuser les propos de De Gaulle, comme Moumié, qui a étudié Médecine à Dakar. (Pour la France, les étudiants scientifiques africains devaient être confinés à Dakar et les étudiants littéraires devaient être récompensés et aller continuer les études en France).
C'est au même moment que d'autres intellectuels comme Cheikh Anta Diop (récompensés pour aller étudier Littérature en France) valident le dessein funeste (pour l'Afrique) de De Gaulle et passent immédiatement à autre chose. Dès lors, ce n'est plus la liberté qui est prioritaire pour eux, mais la fierté (d'être africains prétendument venant d'Egypte), dans la soumission à la France.
Personnellement, je ne crois pas qu'il puisse exister la moindre fierté pour un homme enchainé, pour un homme privé de liberté.
Moumié avait raison, même s'il a payé de sa vie, afin que nous soyons libres de le dire aujourd'hui. Et Cheikh Anta Diop avait tort. Car sa diversion n'a à ce jour montré son efficacité à la solution d'aucun des multiples problèmes qui minent le continent africain.
Mais alors que le nom de Cheikh Anta Diop est célébré partout au Cameroun, jusqu'à une radio que j'écoute régulièrement quand je suis à Yaoundé, combien de rues ou d'écoles portent le nom de Félix Moumié au Cameroun ? Aucune ! En tout cas, moi, je n'en connais pas.
Avant de nous plaindre que nos enfants ont mis à feu et à sang le Cameroun, posons-nous au préalable les bonnes questions sur nos propres responsabilités d'adultes à leur raconter la vraie histoire du Cameroun.
Que voulons-nous que ces enfants retiennent du fait que tous les plus grands boulevards s'appellent Boulevard De Gaulle, le commanditaire de l'assassinat de Félix Moumié ?
Que voulons-nous que ces enfants retiennent lorsque le plus grand lycée public de Yaoundé s'appelle Lycée Général Leclerc ? celui-là même qui a écrit son propre télégramme mensonger, le 27 Aout 1940 pour affirmer et informer De Gaulle du fait que tous les camerounais "sous occupation" française avaient offert leurs vies pour défendre la France elle aussi "sous occupation" allemande.
Voilà 2 pays, tous deux sous occupation d'un prédateur. Et pourquoi l'un va se mobiliser pour aller libérer son propre prédateur sous occupation d'un autre prédateur ? Alors que son propre sort n'est pas réglé ?
Ou alors, Leclerc nous prenait tous pour des vrais zozos ?
Et comment ne pas lui donner raison si nous avons même nommer notre temple de l'éducation de nos enfants à son nom ?
Et que dire de l'avenue Galliéni à Douala, ce boucher qui a exterminé près de 700.000 morts à Madagascar qui avaient tous commis une seule faute, celle de refuser de vivre sous l'oppression coloniale française.
Dans le quartier Bonanjo à Douala, les rues sont une sorte une compétition à célébrer les gouverneurs coloniaux français du Cameroun.
Que voulez-vous que nos enfants en retiennent ?
Bien sûr que la colonisation était une bonne chose, puisque nous célébrons leurs symboles à travers les noms des rues de nos prestigieux quartiers administratifs.
Comment ensuite en être surpris lorsque ces mêmes enfants font l'interprétation que si la colonisation était si bien, comme le magnifient les parents, où serait donc le problème si on revenait à la division coloniale du Cameroun en 2 pays différents, entre francophones et anglophones ?
Nos gestes comptent. Les symboles aussi.
En remplaçant les avenues Jean-Paul II, De Gaulle, Giscard ou les Boulevards Emmanuel Macron (certainement à venir prochainement dans les rues du Cameroun), par les Boulvard Um Nyobe, Félix Moumié, dans toutes les villes du Cameroun, nous serons obligés en même temps, d'expliquer aussi à nos enfants pour quel Cameroun "un et indivisible" ces martyrs sont morts. Et s'ils ont été tués pour un tel projet par le prédateur, c'était bien la preuve que c'était la voie à suivre pour protéger le pays de l'esclavage et la soumission.
Le patriotisme n'est pas qu'une affaire du drapeau hissé ou de l'hymne nationale qu'on chanterait le plus fort possible, mais un ensemble de comportements d'amour pour sa terre, cohérents avec la direction d'unité qu'on veut enseigner aux enfants d'une Nation. Et le Cameroun ne saurait être une exception.
Question :
Comment est-ce possible qu'en 2020, c'est-à-dire, 60 ans après l'indépendance (supposée) du Cameroun, nous soyons encore obligés de commémorer les symboles de la violence coloniale et esclavagiste en magnifiant à nos enfant les noms de ceux qui nous ont réduits en esclavage pendant 4 siècles et en même temps, de faire le choix de sombrer dans l'oubli les martyres de notre liberté ?
A chacun sa réponse. J'ai la mienne et je ne vous la dirai pas même sous la torture.
Jean-Paul Pougala
Samedi le 31 Octobre 2020
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Mercredi le 28/10/2020
« Comprendre l’Histoire de l’Afrique »
de Jean-Paul Pougala
(Livre en cours d’écriture pour les enfants du collège)
Chapitre 1
LA CONQUETE DE L’AFRIQUE PAR LES EUROPEENS
Le Mercantilisme
C’est le premier modèle de pensée économique qui va précéder le Libéralisme Economique en vigueur de nos jours. Il nait au milieu du 14ème siècle pour se terminer au milieu du 18ème remplacé donc, par le Libéralisme Economique théorisé par un certain Adam Smith.
Le mot Mercantilisme vient de l’italien Mercante qui veut dire marchand. Le mercantilisme prône l’enrichissement des Etats par le commerce entre les Nations. La richesse des Nation, se mesure par l’accumulation de l’or. Et comme ce commerce ne peut qu’être inégal, il faut exporter le maximum de produit, pour se procurer de l’or. Et pour y parvenir, il faut investir dans le développement des industries nationales capables d’exporter au maximum pour se procurer de l’or. Il faut aussi fermer ses frontières aux importations, pour éviter que l’or accumulé soit dilapidé pour financer ces importations. Et si on ne peut pas exporter pour se procurer de l’or, il faut aller à la conquête de nouvelles terres, de nouveaux pays à la conquête de nouvelles mines d’or. C’est la vraie raison des conquêtes coloniales : la recherche de nouvelles mines d’or à exploiter, pour enrichir le pays qui le fait.
En Europe, ce sont 4 pays qui vont pratiquer le Mercantilisme : l’Espagne, la France, le Royaume Uni et les Pays Bas. La coïncidence veut que ce sont les principaux pays qui vont développer les conquêtes coloniales.
En France
En France, les mercantilistes français se sont posé 2 questions :
1) « d'où vient la richesse nationale ? »
2) « quelle production développer pour l'accroitre davantage ? »
Aux quelles ils ont répondu presque unanimement par un seul mot : l'industrie !
Ici, ce sont principalement 2 siècles (16 et 17ème siècles) qui nous intéressent et 2 noms pour chacun des siècles : Le cardinal Richelieu (1585-1642) et le ministre d’Etat Jean-Baptiste Colbert (1619-1683)
Le Cardinal Richelieu,
De son vrai nom : Armand Jean du Plessis de Richelieu est le principal ministre du roi de France Louis XIII.
En 1616, il est nommé par le roi Ministre des Affaires Etrangères, avant d’être nommé cardinal en 1622 avant de rentrer en politique, pour devenir le Premier Ministre de France, ou à proprement parler le Principal Conseillé du Roi (puisque le roi est le seul à détenir tous les pouvoir), à partir de 1624.
C’est lui qui crée l’Académie Française en 1635, mais pour ce qui regarde le Mercantilisme, il est le premier à aller à la conquête coloniale pour trouver l’or qui doit enrichir la France. Ainsi, la conquête coloniale début avec l’occupation de : la Petites-Antilles, Saint-Domingue en 1626 et qui deviendra Haïti à l’indépendance le 1er janvier 1804, la Guyane, le Sénégal,
Selon les théories mercantilistes, les conquêtes coloniales devaient se réaliser à travers les compagnies commerciales à qui on octroyait un monopole sur certains territoires. Ainsi le Cardinal Richelieu crée plusieurs compagnies commerciales françaises pour exploiter les colonies et enrichir la France
1) Compagnie de Saint Christophe est créée en 1626 pour administrer les iles françaises des Antilles, à commencer par l’Ile de Saint Christophe qui compte en 1635, 600 esclaves venus d’Afrique.
2) La « Compagnie des Iles d'Amérique » est propriétaire de la Guadeloupe. Elle amène les premiers 60 esclaves Noirs en 1641. Mais de 1653 à 1654 ce sont 1200 nouveaux esclaves qui sont débarqués sur l’île en provenance d’Afrique
3) La « Compagnie Normande », qui s’appelait avant « la Compagnie Rozée », parce que fondée par un commerçant du nom de Jean Rozée de la ville portuaire française de Rouen, en 1626 et le monopole du commerce sur le Sénégal et la Gambie en 1633, ensuite sur la Guinée en 1634.
Cette société va tomber en faillite en 1658 et Colbert attribuera ses actifs à une nouvelle société : La Compagnie du Cap-Vert et du Sénégal. Cette dernière pour être rentable, est autorisée par Colbert à pratiquer la séquestration et la déportation des esclaves depuis le Sénégal vers les ports français et puis vers les nouvelles colonies d’Amérique.
Mais qui est Colbert ?
Le Mercantilisme français prend le nom de Colbertisme du nom de son inventeur, le politicien, Jean-Baptiste Colbert.
Jean Baptiste COLBERT (1619-1683),
Le colbertisme, est un mercantilisme national, fondé sur l’intervention de l'Etat dans le commerce extérieur afin d'accroître les rentrées de devises en augmentant les exportations de marchandises, basée sur le développement des industries. Mais aussi, l’augmentation des réserves en or, le protectionnisme et une rigueur dans l’exploitation des possessions coloniales.
Voici ce que pense Colbert de l’apport des colonies à la puissance française :
« Il s'ensuivrait […] de grandes et inépuisables sources de richesses, car les sujets d'un et d'autre côté auraient une ample vente et revente de toutes et telles manufactures qu'ils pourraient faire exporter. »
Pour Colbert, ce sont les colonies qui doivent être au cœur de la puissance économique française. C’est ainsi qu’il va ajouter au commerce traditionnel, l’esclavage, vu ce que cela peut rapporter à la France.
Puisque l’esclave n’est défini par aucun acte juridique en France, c’est Colbert qui va préparer le "Code Noir" qui sera terminé par son fils, le marquis de Seignelay (1651-1690), et publié en mars 1685 par le roi Louis XIV.
Compagnies coloniales françaises créées par Colbert :
1) Compagnie de la France équinoxiale en 1663
2) Compagnie des Indes orientales en 1664
3) Compagnie des Indes occidentales en 1664
4) Compagnie du Levant en 1670 qui deviendra la Compagnie de la Méditerranée (1685)
5) Compagnie du Nord en 1670
Voici par ordre chronologique les autres Compagnies Commerciales créées par la France pour exploiter ses colonies :
1673 Compagnie du Sénégal
1682 Compagnie de la Baie du Nord
1685 Compagnie de Guinée
1698 Compagnie de Saint-Domingue
1701 Compagnie de l'Asiento
1712 Compagnie de la Louisiane
1717 Compagnie d'Occident
1717 Compagnie du Mississippi
1741 Compagnie royale d'Afrique
1748 Compagnie d’Angola
James Denham-Steuart (21 octobre 1712 – 26 novembre 1780) est un juriste écossais, qui a étudié dans l'université de la ville où il est né : Edimbourg
Il ne se met à apprendre l'économie politique que durant son exile en France et durant son exile en Allemagne, il va écrire un livre qui va mettre les bases de l'économie politique au 18ème siècle.
Adam Smith va s'inspirer de lui, pour le critiquer, mais Karl Marx va le citer 14 fois dans le Capital.
Et ce livre s'intitule "Inquiry into the Principles of Political Economy", publié en 1767 et traduit en français avec le titre : "Principes d'Economie Politique" dans lequel il déclare :
« Le principal objet de cette science "l'économie politique" est d'assurer un certain revenu de subsistance pour chaque habitant, de parer à toutes les circonstances qui pourraient le rendre précaire ; de fournir toutes les choses nécessaires pour satisfaire les besoins de la société, et d'employer les habitants (...) de manière à créer des relations réciproques et des liens de dépendance entre eux. »
Pour la première fois, un juriste, devenu économiste, explique pourquoi la place de la première puissance économique mondiale des Européens est essentiellement due à l'esclavage des Noirs.
Sir James Steuart explique que pour passer devant la Chine qui était jusqu'au 18ème siècle la première puissance économique du monde, le Royaume Uni doit jour sur un avantage que les chinois ne pouvaient pas avoir : le travail gratuit des esclaves noirs.
L'originalité du travail de Steuart vient du fait qu'il explique que la compétitivité dans l'utilisation d'un esclave vient du fait que son bourreau, ne finance pas le coût de sa re-production.
Dans une situation normale, un patron recrute un employé qui doit reverser la quasi-totalité de son salaire, dans la construction d'une cellule familiale : mariage, élever les enfants, envoyer ces enfants à l'école etc. C'est tout ce qui concourt à la reproduction de l'employé. C'est cela le coût de base de tout travail.
Mais en utilisant les esclaves, l'employeur n'a plus besoin de contribuer à la reproduction de ses employés, encore moins à lui verser une retraite pour ses vieux jours. Puisqu'aucun esclave ne vieillit : la dureté des travaux réduit l'espérance de vie des esclaves. Ce qui fait qu'ils meurent aussitôt qu'ils ne sont plus productifs, permettant au patron de ne pas perdre de l'argent pour payer la retraite de ses anciens employés. Et c'est cela qui rend compétitif l'occident qui peut balayer la force chinoise en très peu de temps.
Le Mercantilisme prend fin au milieu du 18ème siècle.
Adams Smith, lui aussi écossais et lui aussi ayant étudié dans la même université d'Edimbourg de James Steuart, lui répondra en le critiquant que ce modèle allait bien tant que les esclaves noirs n'avaient pas pris conscience de leur importance dans la puissance occidentale. Et que c'est pour cela qu'en dernier ressort, le travail d'un homme libre est toujours moins couteux que celui d'un esclave.
Adam Smith critique ce modèle économique dans son ouvrage « De la richesse des Nations ». Smith fustige les monopoles et pointe du doigt le manque de compétitivité des industries dans un système basé sur l’exploitation des esclaves. Pour Adam Smith, un homme libre produit plus qu’un esclave. Pour les mercantilistes, l’or, la monnaie était le bien plus précieux. Pour Adam Smith qui est en train d’inaugurer la nouvelle théorie économique baptisée le Libéralisme économique, la monnaie est un bien au même titre que tous les autres biens.
C’est ce mouvement du Libéralisme économique qui est à l’origine de la plus profonde justification de la fin de l’esclavage. Les européens qui se résignent à pratiquer la déportation des Noirs vers l’Amérique, décident tout de même d’utiliser les mêmes Noirs directement en Afrique. C’est le début de la colonisation : ne plus déporter les Noirs d’Afrique, mais les utiliser sur place pour alimenter les manufactures européennes en matières premières agricoles et minières.
(à suivre dans le livre en cours d’écriture)
Prochains Chapitres :
- Pourquoi les Européens n'arrivent en Afrique Subsahélienne qu'au 15ème siècle ?
- Comment la mise en esclavage des africains a permis au Portugal de financer la première exploration du continent du continent africain ?
- Taxes sur a Polygamie, Taxes sur les bicyclettes, ou comment la France a fait financer la colonisation de l'Afrique par les africains eux-mêmes
- Comment une femme, la Reine mère des Ashanti est à l'origine de la plus longue résistance contre l'occupation coloniale des Britanniques en Afrique
LA COLONISATION DE L’AFRIQUE PAR LES PRISONNIERS EUROPEENS
etc.
A lire, prochainement dans le livre :
« Comprendre l’Histoire de l’Afrique »
de Jean-Paul Pougala
Séoul, le 02/06/2019
P.S :
Pourquoi ce livre ?
j'ai observé la plupart des historiens africains et j'ai compris qu'ils avaient tous une lacune : aucun d'eux n'avait étudié l'économie; or toute l'histoire de l'Afrique au contact avec l'Europe est dictée par l'économie, de l'esclavage à la colonisation sans oublier l'ultra-libéraliste en cours en ce moment avec les APE.
Un historien africain, qui n'a pas étudié les mathématiques et l'économie n'est pas propice à bien relater l'histoire entre l'Europe et l'Afrique. Il est donc obligé de se confiner exclusivement aux mensonges racontés par les bourreaux de l'Afrique, sans la possibilité mathématique de les contester.
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Lundi 26/10/2020
Haiti, le symbole de la résistance qui finit avec la citoire des esclaves contre les oppresseurs
de Jean-Paul Pougala
QUESTION : Qu’ont-ils en commun : Sankara, Lumumba, Um Nyobe, Kadhafi, Amical Cabral, Samory Touré
REPONSE : Ce sont tous des héros africains.
Et c’est là où ça pose problème. Tous nos héros le sont devenus parce qu’ils sont morts, parce que c’était des victimes.
En construisant notre socle de fierté patriotique autour des victimes qui ont perdu leurs batailles, nous nous inscrivons dans la ligne des gens qui ne croient pas qu’une victoire contre l’oppresseur est possible.
A SUIVRE
Jean-Paul Pougala
Lundi le 26 Octobre 2020
Pour Facebook, rappeler dans mes publications que nous ne voulons plus rester des esclaves (tendre l'autre joue) est tenir un discours Haineux
de Jean-Paul Pougala
Facebook Vient de m'informer que pendant 30 jours, ils suspendent mon compte "ieg", à cause de 5 anciennes publications remontant jusqu'en 2019.
Il ne sert à rien de pleurnicher.
Le plan B sera bientôt disponible sur mon nouveau site payant : www.pougala.net
Où vous pourrez me lire 24 h sur 24 et 7 jours sur 7 en toute liberté sans aucune restriction.
QUELLES LECONS POUR LA JEUNESSE AFRICAINE ?
Il serait naïf de notre part de croire pendant longtemps qu'un système que nous contribuons à démonter va nous donner les moyens pour le faire.
Les complicités africaines dans la mise sous tutelle de l’Afrique
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Extrait de « Comprendre l’Histoire de l’Afrique » de Jean-Paul Pougala (livre en cours d’écriture) JPP22/10/2020
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Le militant anarchiste, antimilitariste et syndicaliste révolutionnaire français, Émile Pouget, né le 12 octobre 1860 et mort le 21 juillet 1931, co-fondateur du syndicat : Confédération Générale du Travail (CGT) le 23 septembre 1895. Le 24 février 1889, il début l’édition d’un hebdomadaire pamphlétaire, dénommé « Le père Peinard » dans lequel, il démontre l’inutilité des partis politiques et la lutte politique, pour les pauvres, les opprimés dans une société hiérarchisée avec à la tête un tyran (ou un pays colonisateur) qui dicte les règles. Dans le sous-titre du « Père Peinard » il écrit :
« Il n’y a pas de tyrans; il n’y a que des esclaves; car là où personne n’obéit, personne ne commande ».
La longue histoire douloureuse de l’Afrique où l’humain subit le refus de sa liberté par les envahisseurs d’abord arabes, ensuite européens, nous enseigne que la révolte est une obstination et une constance de l’humain sans liberté.
« Là où personne n’obéit, personne ne commande ». Les africains ont-ils accepté d’obéir ? La réponse nous est donnée par l’historien français Marc Léopold Benjamin Bloch, né le 6 juillet 1886 et mort le 16 juin 1944 qui a écrit :
« L’expérience l’a prouvé, de toutes les formes d’élevage, celui du bétail humain est l’un des plus difficiles. Pour que l’esclavage soit rentable lorsqu’il est utilisé dans des entreprises à grande échelle, il faut qu’il y ait surabondance de marchandise humaine à bas prix sur le marché – ce qui ne peut s’obtenir que par la guerre ou le rapt d’esclaves »
Pour qu’il y ait esclavage et qu’il soit rentable dans le temps, il faut réunir 2 conditions : la guerre ou le rapt. La résistance naturelle des humains face à la servitude fait qu’il ne peut pas y avoir de commerce d’esclaves entre les victimes et leurs bourreaux. Il faut nécessairement qu’il y ait ou la guerre ou le rapt. Et l’esclavage des africains ne va pas échapper à cette logique.
Et depuis l’empereur romain Constantin, nous savons que le rapt esclavagiste de loin le plus efficace est le rapt religieux. C’est le rapt créationniste. C’est le rapt déiste. Car Dieu est le symbole même de la soumission. Etre chrétien ou musulman, signifie avant tout, se soumettre. C’est renoncer à la pensée critique pour se soumettre à des vérités élaborées par d’autres. Et dès lors qu’on a accepté une telle soumission, l’oppression peut commencer.
Dire que les intellectuels africains ont été des complices de l’oppression signifie qu’ils étaient conscients des enjeux et qu’ils y trouvaient un gain personnel à collaborer avec les bourreaux européens du continent africain.
Or, lorsqu’on prend le temps pour bien analyser la situation, on se rend plutôt compte qu’on est en face de très hauts diplômés tout à fait naïfs sur des questions géostratégiques. On voit vite que ces intellectuels se sont trompés en bonne foi, à participer à la diversion pour empêcher de parler des vrais sujets sur le capitalisme débridé des colonies et surtout, sur l’indication des mauvaises cibles, les cibles africaines qui portent toute la responsabilité du drame des cicatrices encore ouvertes de l’esclavage.
A les lire, leur pessimisme généralisé sur l’Afrique contemporaine, porte à croire que les deux périodes esclavagistes et coloniales qui ont précédé étaient l’essence même du paradis, alors que la gestion politique des africains devenus libres serait un vrai cauchemar.
Pour bien comprendre ce concept, je vais prendre l’exemple de deux intellectuels africains, notamment camerounais qui ont fait le choix de se mettre au service de la mise sous tutelle religieuse de leurs propres peuples. Il s’agit de deux prêtres catholiques camerounais : Jean Marc Ela et de Simon Mpeke.
Qui est Jean Marc Ela ?
Jean-Marc Ela, de son vrai nom Jean Etoa est né le 27 septembre 1936 à Ebolowa, au Cameroun et mort le 26 décembre 2008 à Vancouver au Canada. Mais pour éviter de faire répondre à cette question par un ennemi ou un de ses détracteurs, je vais chercher son collègue qui s’est diplômé comme lui dans la même faculté de théologie de l’Université de Strasbourg où Ela a été le tout premier africain à devenir Docteur en théologie dans cette université. Il s’agit comme Ela, du prêtre catholique ivoirien, de son vrai nom Kouadio, devenu, Colbert Konan.
Colbert Konan est né en 1974, curé ivoirien, de la paroisse Notre Dame de Lourdes d’Issia dans le diocèse de Daloa, dans le centre-ouest de la Côte d’Ivoire et professeur de théologie au Grand séminaire d’Anyama, à 10 km d’Abidjan.
Il a écrit 2 ouvrages sur Ela, intitulés :
– « Jean-Marc Ela ou l’honneur de faire de la théologie en Afrique. Hommage au théologien africain de la libération », L’Harmattan, 2015.
– « Foi et libération dans les œuvres de Jean-Marc Ela. Perspective christologique », L’Harmattan, 2017.
Voici comment il définit Jean Marc Ela dans le quotidien français catholique La Croix du 23 octobre 2018 dans un article intitulé :
« [Les grands noms de la théologie africaine] : Jean-Marc Ela
Théologie de la libération :
Pour ce qui est de la pensée théologique africaine, Jean-Marc Ela est le père de la théologie africaine de la libération. À travers deux œuvres théologiques majeures (qui sont entrées dans les œuvres classiques de la théologie africaine) complétées par d’autres et divers articles, il expose clairement sa pensée théologique. Il s’agit de : « Le cri de l’homme africain », écrit en 1980 et de « Ma foi d’Africain », écrit en 1985.
Dans « Le cri de l’homme africain », il pose les jalons d’une théologie sous l’arbre qui est une théologie de la solidarité à travers les luttes de libération que peuvent entreprendre les peuples opprimés par des gouvernants sans foi ni loi. Pour Ela, « en Afrique, l’enjeu de Dieu, c’est ce qui se passe au quartier, dans les villages, là où le cri du pauvre monte vers Dieu. »
Dans « Ma foi d’Africain », Ela expose, dans un effort de réflexion théologique méthodique, les vrais problèmes de la foi en Afrique. Il y relève les défis majeurs à partir desquels les Africains doivent procéder à une nouvelle lecture et compréhension de la Parole de Dieu en Afrique. « Quand je me suis rendu compte que dans beaucoup de pays d’Afrique, les greniers sont vides, que l’accès à la santé est un leurre pour grand nombre de gens et que l’injustice s’aggrave et que des formes d’exclusion s’instaurent, je me suis dit : il faut que nous cherchions à vivre l’Évangile non seulement au-delà des lignages, mais en même temps, que nous voyions comment procéder à une reconstruction du continent africain sur d’autres fondations. » Ainsi, dans « Ma foi d’Africain », Ela veut montrer comment il est possible d’enraciner l’Évangile dans la vie d’un peuple et de rencontrer Dieu sur les chemins de notre histoire.
L’activité théologique de Jean-Marc Ela au milieu de ces peuples opprimés a été de lire avec eux l’Évangile et y découvrir que le Dieu de Jésus-Christ dont il est question dans la Bible est le Dieu qui libère. Ouvrir et éclairer la conscience des pauvres à partir de la Bible par des actes de libération ont été son engagement avec eux. Sa théologie a été vécue dans une praxis à travers l’effort qu’il a entrepris avec les pauvres de construire des communautés qui étaient comme le lieu par excellence où les gens se retrouvent avec leurs difficultés et souffrances, les considèrent et les analysent à partir de la libération dont l’Évangile est la prédication. De cette façon, pour Ela, « la théologie de la libération, c’est chaque fois qu’un bras se lève, qu’une voix essaie de dire ce qui ne va pas et qu’on échappe à la peur, quand on est capable d’affronter des situations d’oppression ».
Amen !
Voilà un intellectuel africain bardé de diplômes :
En 1969, il devient le premier étudiant africain à soutenir une thèse de doctorat d'État en théologie à la faculté de théologie catholique de l’Université de Strasbourg en France sur Martin Luther.
En 1978, il soutient une thèse de doctorat de troisième cycle en anthropologie sociale et culturelle à l'université Paris V.
En 1990, il soutient une thèse d'Habilitation à diriger les recherches en sociologie à l’Université de Strasbourg.
Et malgré tous ces diplômes, il est convaincu que le problème de l’Afrique ce sont ses dirigeants. Sa théologie de la libération sert pour libérer le peuple africain de ses dirigeants et non de l’oppression de ses employeurs catholiques du Vatican ou de l’Europe.
Pire il est sincèrement convaincu que pour sortir de la pauvreté en Afrique, il faut prier Dieu. Car pour Ela, « le Dieu de Jésus-Christ dont il est question dans la Bible est le Dieu qui libère ». Il était donc passé par où durant les 4 siècles de l’esclavage ? Il était où durant les 100 ans de la violence coloniale ?
En 1999 : Jean Marc Ela reçoit le Doctorat honoris causa de la l’Université Catholique de Louven (Katholieke Universiteit Leuven) en Belgique.
Mais qu’est-ce qui a pu convaincre cette prestigieuse Université belge à lui donner une telle distinction ? C’est peut-être sa sortie une année avant dans le mensuel français Le Monde Diplomatique ? Peut-être ! Mais qu’a-t’il écrit ?
En Octobre 1998, à la page 3 de Le Monde Diplomatique, Jean Marc Ela écrit un article intitulé :
« (Afrique) : Refus du développement ou échec de l’occidentalisation ? »
Sous-titre : « Les voies de l’afro-renaissance »
Le Monde diplomatique par Jean-Marc Ela
« En matière économique, l’Afrique fait figure de continent pauvre et marginalisé. Depuis la fin de la guerre froide, elle apparaît comme une zone déclassée qui ne représente plus un enjeu géopolitique et diplomatique pour les grandes puissances. En dehors des situations d’urgence qui exigent des interventions humanitaires, plus personne ne s’intéresse véritablement au sort des 700 millions d’hommes et de femmes qui vivent dans cette partie du monde. « Faillite du développement » ? « Retard » ? Ou bien, plutôt, résistance des sociétés africaines, refus de se laisser prendre au piège néolibéral, et émergence de solutions de rechange au modèle occidental de développement ?
Peu d’études sur le continent laissent réellement place à l’espoir : on ne cesse d’y répéter que « l’Afrique s’enfonce » et devient « un conservatoire des maux de l’humanité ». L’image d’un « continent naufragé », mille fois ressassée, paraît résumer l’ensemble des perceptions d’une Afrique qui tendrait à se confondre avec la misère, la corruption et la fraude et qui serait la patrie de la violence, des conflits et des génocides. Des images d’apocalypse sont projetées sur « une Afrique appauvrie dans la spirale des conflits ». En cette fin de siècle, « aucun continent n’offre un tel spectacle de désolation, de guerres et de famines que l’Afrique. (...) Lentement, le continent noir s’en va à la dérive ».
Le paradigme de la « faillite » constitue même le cadre d’analyse de l’histoire économique et sociale de l’Afrique contemporaine, avec un accent mis sur les impasses de ce qu’il est convenu d’appeler le développement. Comme l’observe Mme Catherine Coquery-Vidrovitch, « nous sommes dans une période de crise cumulative » définie à la fois comme crise des processus de développement au Sud, mais aussi dans un monde dont les interdépendances sont multiples et devenues incontournables ; crise des modèles de développement et des idéologies qui sous-tendent les politiques et les structures des Etats ; crise des savoirs engendrés par l’éclatement des champs du développement et les décalages de la théorie face à des réalités mal analysées. Ce constat général est aussi celui de Samir Amin : « Si les années 60 avaient été marquées par un grand espoir de voir amorcer un processus irréversible de développement à travers l’ensemble de ce que l’on appelait le tiers-monde et singulièrement l’Afrique, notre époque est celle de la désillusion. Le développement est en panne, sa théorie en crise, son idéologie l’objet de doute. L’accord pour constater la faillite du développement en Afrique est hélas général . »
A suivre