Mardi le 03 Novembre 2020

 

Les africains ont-ils un problème avec la liberté ?

(Leçon de Géostratégie africaine n° 61 de Jean-Paul Pougala. Extraite du Tome-4)
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Lorsque hier 19/09/2013, j’ai vu à la télévision la cérémonie de la prestation de serment du nouveau président malien (IBK) à Bamako, j’ai eu un pincement au cœur.
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Nous avons tous vu le président français menacer la Syrie dans son discours de Bamako. Et lorsqu’en plus la chaine de télévision française TF1 titre son journal télévisé avec ces quelques mots : « Mali : sept mois après, Hollande de retour pour « investir » le nouveau président ». Elle confirme de fait que Monsieur Keita n’est qu’un SOUS-PREFET.

Et je me suis posé certaines questions : A quoi cela sert-il au peuple français un tel cirque ? Pour convaincre qui  sur cette planète ? Combien d’emplois seront créés en France à partir des millions d’Euros que ce pays a dépensés pour inviter  le monde entier à applaudir au cirque malien de ce 19/9/2013 ?

Après 21 ans de la démocratie, le Mali nous prouve qu’en Afrique, ce n’est point la démocratie qui va précéder l’économie, bien peut-être l’inverse. Le cirque malien est la preuve qu’aucun pays au monde n’a jamais résolu ses problèmes grâce à la prétendue « démocratie » et d’alternance politique au pouvoir. Si 20 ans de démocratie malienne finit à la mise sous-tutelle du pays par un chef d’Etat français en mal de popularité dans son pays, c’est que nous avons vraiment touché le fond. Alors qu’est ce qui ne va  pas ? Est-ce qu’on verrait le même président français dans les anciennes colonies françaises d’Asie pavoiser de la même manière ?

Pour une fois, plutôt que de voir tous les problèmes dans la méchante France, je m’interroge sérieusement si les Africains n’ont pas un problème avec la liberté. Est-ce que 500 ans d’humiliation et de soumission n’ont pas transformé l’Africain en un animal en cage ? en un animal que même laissé libre de s’échapper, refuse obstinément de partir, de s’envoler à la découverte de la splendeur du ciel bleu ?

Pour le comprendre, je vous invite à analyser le comportement d’autres peuples hors d’Afrique, colonisés par la même France, pour voir si ces pays ont le même comportement que les pays africains. Nous allons choisir deux secteurs dans notre analyse : la Langue et la Monnaie.

1- Le Cambodge
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Le Cambodge est une colonie française depuis 1863, jusqu’à la proclamation de son indépendance le 9 novembre  1953, c’est-à-dire après 90 ans d’occupation coloniale française. Indépendance suivie d’une longue guerre civile. Mais peut-on imaginer les dirigeants cambodgiens se comporter avec la même soumission et allégeance vis-à-vis de la France ?

a) La langue : A l’indépendance, les intellectuels sont unanimes sur une chose : Si le français reste la langue officielle du pays, l’indépendance à peine obtenue ne sera jamais effective. Voilà pourquoi le Khmer devient l’unique langue officielle avec son système d’écriture alpha-syllabique de 33 consonnes et 24 voyelles. La langue française comme l’anglais, le chinois ou le russe est relayé au rang de langues étrangères.

b) La monnaie: Leur BEAC (Banque des Etats de l’Afrique Centrale) et leur BECEAO (Banque des Etats de l’Afrique de l’Ouest) locale s’appelait : La Banque de l’Indochine créée à Paris le  21 janvier 1875 par deux banques françaises, le CEP (Comptoir d’escompte de Paris) et le CIC (Crédit industriel et commercial) pour servir localement de banque d’émission des colonies d’Asie. Leur « Franc CFA » local émis par cette banque portait deux noms en fonction des pays : Le Franc Pacifique et la Piastre.  Par exemple, elle ouvre ses portes aussi dans les comptoirs français de Chine dès 1889, et c’est Mao qui va mettre fin à cette occupation coloniale avec sa monnaie dès 1955. Au Cambodge, à l’indépendance du pays en 1953, la monnaie coloniale française, la PIASTRE sera remplacée par le RIEL qui a pour code international : KHR;

2- La Syrieibk6

Comparez-vous même 2 pays ex-colonies françaises : Le Mali et la Syrie et répondez à vous même si les dirigeants africains et le peuple africain n’ont pas un sérieux problème d’assumer  et de vivre en liberté.

La Syrie et le Liban (en 1920), de même que le Cameroun et le Togo, ont été donnés par la Société des Nations en administration à la France. Alors que dès 1944, la Syrie arrache sa liberté en proclamant de façon unilatérale son indépendance de la France, qui mettra 2 ans pour l’accepter, les autres pays africains vont attendre les années 60 pour recevoir en cadeau l’indépendance de la généreuse et magnanime France.

Après la création de Israël en 1948, les politiciens palestiniens commettent l’erreur stratégique de faire quitter le pays, une bonne partie de la population. Les Etats-Unis et la France tentent alors de convaincre les dirigeants syriens d’offrir à 500.000 réfugiés palestiniens présents en Syrie, la nationalité syrienne. La somme de 400 millions de dollars est offerte aux dirigeants syriens pour cette opération et ce sont tous les partis politiques qui sont choqués par cette proposition qui signifie tout simplement qu’il n’y aura plus jamais un Etat Palestinien, dès lors que ses citoyens auront été convertis à d’autres nationalités. La tête de file de la protestation, c’est le parti Baas, c’est-à-dire celui dirigé en 2013, par un certain Assad.

Combien de dirigeants africains auraient refusé une telle somme ? 400 millions de dollars sont environ 263 milliards de Francs CFA. Mais lorsqu’on regarde de plus près, on trouve d’autres petits détails qui démontrent du vrai patriotisme des dirigeants syriens, lorsqu’en Afrique c’est plutôt l’opposé :

a) La monnaie : à l’indépendance, la monnaie coloniale française est remplacée dès 1946 par la Livre Syrienne.
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b) La langue : Tout est fait pour marginaliser le français afin de créer une véritable rupture de colonialisme mental et culturel. Ainsi, aujourd’hui en 2013, la langue officielle est l’Arabe. Après c’est l’Anglais qui est la langue étrangère la plus parlée. Mais le plus surprenant c’est le Russe et le Chinois qui arrivent immédiatement après, surtout parce que ces 2 langues sont enseignées dans les Universités syriennes. Le français n’est parlé que par environ 4.000 personnes sur les 22 millions d’habitants, surtout certaines minorités chrétiennes, au moment où en Afrique ce sont les intellectuels qui écrivent des livres que personne ne peut lire tellement c’est compliqué, puisque les auteurs africains pour la plupart veulent démontrer aux français combien ils sont civilisés. Et mêmes les chefs d’Etat s’y mettent en faisant passer la présidence de la Francophonie, même plus importante que celle d’une République Africaine.

3- Le Laos

Le Laos subit une agression française avec le blocus de ses côtes dès 1893, pour la contraindre à accepter l’occupation coloniale française et intégrée à l’Indochine française en 1899.  Elle proclamera son indépendance le 19 juillet 1949.

a) La langue : Les dirigeants politiques vont alors, vite changer la langue nationale coloniale du Français au Lao.  Aujourd’hui en 2013, sur 6,5 millions d’habitants, seuls 3.000 étudiants et quelques fonctionnaires à la retraite parlent encore le français. Et même si ce pays fait partie de l’organisation de la Francophonie, c’est le chinois qui est la deuxième langue, derrière le Lao. Le français est une simple langue vivante 2, comme l’Allemand (parlé par plus de 3.400 personnes) et le Russe.

b) La monnaie: la monnaie coloniale, la Piastre est remplacée par le KIP (LAK) à peine 5 ans après l’indépendance, en 1954, et rendue immédiatement inconvertible.

4- Le Vietnamibk2

Lorsqu’au milieu du 19ème siècle, le Vietnam refuse toute influence occidentale, en interdisant par exemple, le christianisme, la France lui livre la guerre qui va finir en 1858 par l’annexion d’une partie du pays, officialisant de fait le début de l’occupation coloniale française du pays dans ce que cette dernière va appeler la « colonie de Cochinchine ». Le 2 septembre 1945 les nationalistes proclament l’indépendance du pays. La France ne l’entend pas de cette oreille et va déclencher dès 1946, la célèbre guerre dite d’Indochine, combattue surtout avec la chair à canon, appelée TIRAILLEURS SENEGALAIS.

Mais grâce au soutien militaire de la Chine de Mao, la France connait une défaite cuisante dans la célèbre  bataille de Diên Biên Phu. Elle est alors contrainte de reconnaitre l’indépendance du Vietnam en 1954 (traité de Genève). 10 ans plus tard, les américains chercheront à venger la honte de la défaite française à travers ce qu’on a appelé la « guerre du Vietnam », là aussi avec la défaite qu’on connait et qui continue de traumatiser encore aujourd’hui, les vétérans américains de cette guerre, avec des fusillades dans tous les USA.

a) La monnaie : A l’indépendance, contrairement aux pays africains, la monnaie coloniale française le Piastre est remplacée par le DONG (VND) rendue immédiatement inconvertible.

b) La langue : La langue française est immédiatement remplacée par le Vietnamien. Aujourd’hui en 2013, sur les presque 90 millions de Vietnamiens, seuls 1% d’entre eux, c’est-à-dire 90.000 personnes parlent français, notamment les personnes âgées, surtout les anciens fonctionnaires à la retraite.

5- CONCLUSION

Je ne peux pas conclure ce texte sans revenir au Mali.
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Le 8 juin 1992  Alpha Oumar Konaré est élu  président de la République du Mali. Il sera réélu en 1997 dès le premier tour avec plus de 95% de voix. Lorsqu’il atteint ses limites de 2 mandats maximum en 2002, dès l’année suivante, il est élu lors du Sommet de Maputo, comme le Président de la Commission Africaine. Durant son mandat à ce poste il a beaucoup œuvré pour l’application de la langue commune africaine, le Swahili, que je préfère appeler : l’AFRICAIN.
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Une fois fini son mandat à l’Union Africaine, le grand Alpha Oumar Konaré est aujourd’hui membre du Haut Conseil de la Francophonie. Il rejoint à cet organisme 2 autres ex-présidents africains, notamment, Monsieur Cassam Uteem, ancien président de la République de l’Ile Maurice, Abdou Diouf, ex président de la République du Sénégal et actuel secrétaire général de l’Organisation de la francophonie et président de ce Haut Conseil de la Francophonie. Et de nombreux ex-ministres africains, notamment :  Jean-Baptiste Tati Loutard, ancien ministre de la Culture du Congo-Brazzaville, Adama Samassékou, ancien ministre de l’Éducation Nationale du Mali, Paulin Hountondji, ancien ministre de la Culture du Benin, Bernard Dadié, ancien ministre de la Culture de Côte d’Ivoire. Mais c’est quoi le Haut Conseil de la Francophonie ?

Le Haut Conseil de la Francophonie a été créé en 1984, comme un organisme au service du Président de la République française pour le conseiller dans 3 axes différents liés à la langue française. Mais ce qui nous intéresse, c’est le tout premier cité dans la charte : « Un rôle d’observation des évolutions linguistiques au sein des États, des gouvernements et des organisations internationales ».

En d’autres termes, les anciens présidents de la République en Afrique, lorsqu’ils ont fini d’être présidents, sont au service du président de la République française. Les Ministres de même.
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Alors où est le patriotisme du pays qu’ils ont servi ? Où est la dignité personnelle de ces intellectuels ?  Les Africains ont-ils un problème avec la liberté ? Sont-ils juste le fruit de l’infantilisation du continent qui dure depuis trop de temps ? Ou bien ont-ils été Présidents de la République, Ministres, juste comme une des deux choses que le penseur Allemand Günter Anders indique comme le piège idéal pour adoucir et acheter l’intellectuel subversif : l’argent et le pouvoir ? La présence de Hollande à Bamako hier 19/09/2013 répond-elle à cette logique ?

C’est autant de questions auxquelles je ne trouve pas de réponse et je laisse à chacun de vous le soin d’y réponse selon votre propre perception des faits et évènements, au regard de l’attitude asiatique. C’est bien de citer souvent les asiatiques en exemple de la croissance économique et industrielle. Mais on parle peu de leur niveau culturel, de leur degré d’autonomie mentale et surtout de leurs capacités à inventer un modèle propre à eux et qui les rend fiers d’eux-mêmes. Le Laos est-il plus riche que la République Démocratique du Congo ou que la Côte d’Ivoire ? Mais elle a une richesse que ces 2 pays n’ont pas : la liberté. Les dirigeants ont compris que cette liberté se construit à la sueur du travail et de l’engagement. Pour faire vivre, une langue, une écriture il faut un très grand sérieux et une rectitude intellectuelle très forte.

La Syrie, ex-colonie française vient d’infliger une humiliation cuisante à la France en obtenant son exclusion des accords du 14 septembre 2013 à Genève sur son armement chimique, entre la Russie et les Etats-Unis d’Amérique. Tous les généraux de l’armée syrienne, formées en France ont déserté à la première heure du conflit. Mais contrairement à l’Afrique où tout se construit uniquement autour de la France, la Syrie avait cherché sa vraie alliance stratégique ailleurs, en Russie. Le plus ahurissant de tout ça a été de constater les prises de position de certains ministres africains s’alliant systématiquement derrière l’isolement français que même François Fillon est allé critiquer à Moscou toujours hier.

L’ex-Premier ministre le même jour, jeudi 19/09/2013 dans un discours à Moscou au « club Valdai », en compagnie de Vladimir Poutine a fustigé l’amateurisme de François Hollande dans la crise syrienne avant de conclure :

« Nous avons, vous et nous, Russes et Européens, une influence déterminante sur les deux camps qui s’opposent en Syrie. Je souhaite à cet égard que la France retrouve cette indépendance et cette liberté de jugement et d’action qui, seules, lui confèrent une autorité dans cette crise ».
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En d’autres termes, et dits plus prosaïquement, « Hollande est le caniche de Obama et ne pige rien dans cette crise ». Et voilà qu’il utilise une tribune au Mali pour lancer des menaces inutiles contre un pays qui a su arracher son indépendance, la Syrie. Et avoir changé l’Ambassadeur Syrien à Paris par quelqu’un choisi par Paris est un boumerang que le président français est en train de recevoir à la figure, parce qu’il s’est trompé de pays et de continent. Ce qui avait marché pour la Côte d’Ivoire ne marche pas forcément pour des peuples plus conscients et plus intelligents. Oui, j’ai bien dit, plus intelligents. L’épilogue de la crise ivoirienne et libyenne, comparée à celle syrienne me font douter même de l’intelligence des africains, ou tout au moins de ceux qui les dirigent.

Au moment où on affronte la crise syrienne avec des informations contradictoires d’un côté et de l’autre, avec la manipulation de l’information pour des intérêts qui nous échappent et en plein milieu du cirque malien, il me plait de conclure ce texte avec un penseur allemand. On peut être d’accord avec lui ou détester ses pensées, mais il a le mérite de la franchise avec des mots volontairement crus qui nous incitent à une profonde réflexion.  Il s’appelle Günter Anders (Voir encadré ci dessous).

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Note: Je n’ai pas parlé de la religion, mais comment compléter une comparaison entre l’allégeance des dirigeants africains au système et la fierté identitaire des dirigeants asiatiques sans parler de la spiritualité ? Lorsque dans les années 90, on a vu déferler sur l’Afrique et l’Asie une vague des sectes chrétiennes venues tout droit des USA, alors qu’en Afrique les dirigeants politiques sont tombés dans le piège de la propagande  dénommée la « liberté religieuse » et abandonné leur propres populations les plus fragiles psychologiquement entre les mains des escrocs d’un nouveau genre, au Cambodge par exemple, c’est l’inverse qui s’est produit : en 1989, afin de garantir la spécificité de la culture cambodgienne et lutter contre l’invasion de ces sectes chrétiennes et musulmanes, il a été décidé d’instaurer une religion d’Etat, le « bouddhisme theravāda », pratiqué aujourd’hui par 95% de la population.

Au même moment en Afrique, c’est la course à la Conférence islamique. On a vu des présidents de la République changer de prénom pour passer par exemple au Gabon de Albert Bongo à Omar Bongo dans l’espoir d’avoir un peu de miettes des monarchies pétrolières et musulmanes du golfe arabo-persique. Comme le ridicule de l’aliénation ne tue jamais, on a aussi vu en Afrique des politiciens, que dis-je ? des Ministres et des présidents de la République qui sont Pasteurs chrétiens, comme l’ancien président de la République Centrafricaine Bozize.sarko5

Les africains ont-ils un problème avec la liberté ? Pourquoi ce qui semble évident pour un dirigeant Laotien, un  cambodgien pour protéger les intérêts de son pays doit encore faire l’objet de débat pour un ministre africain ?

Nous avons  vu la liste des ex-ministres et ex-présidents africains membres du Haut Conseil de la Francophonie. Ce que je n’ai pas dit est que cette liste est limitée par la France. Combien de ministres et de présidents de la république sont-ils en attente en Afrique d’être béni par la providence afin que le président français les copte à ces postes ? Avec les africains nés durant la période d’occupation coloniale, le chemin vers la liberté est sans doute très long. Ils ont refusé la liberté qu’ils avaient à portée de main.

Est-ce que la jeunesse africaine qui s’apprête à arriver au pouvoir dans les prochains 10-20 ans aura le même problème de la phobie de la liberté ?

Douala, le 20 Septembre 2013

Jean-Paul Pougala
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Günther Anders dans son livre : « Die Antiquiertheit des Menschen » (L’obsolescence de l’homme) qu’il publie en 1956 , écrit à la page 122 ceci :
« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées.

Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser.

On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien dmandela2e mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté.

Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur (qu’il faudra entretenir) sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur. L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu.

Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutienne devront ensuite être traités comme tels. On observe cependant, qu’il est très facile de corrompre un individu subversif : il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir. »

Günther Anders, « Die Antiquiertheit des Menschen »  1956 –  P.122
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Mercredi le 28/10/2020

 

DEPUIS MA FORMATION A MONTRÉAL-2, JE SUIS DEVENU L'HAITIEN LE PLUS OBSÉDÉ DE LA LIBERTÉ  !

Bonsoir prof Pougala,



Mon nom c'est Toussaint depuis Haïti.

En te suivant, je me rends finalement compte qu'il n'y a même plus besoin de parler, de se justifier ou de chercher à se rehausser par les mots. La révolution viendra par les actes. Et rien que les actes.

Aujourd'hui, nous sommes dans le bourbier, les africains sont coupés les uns des autres, on ne sait pas qui pense quoi, parce que si on parle, c'est la chicote, il faudrait aussi que tu nous dises comment s'y prendre dans cet environnement pour communiquer sans la peur, mais surtout, sans subir la chicote. Comment fais-tu pour dire autant de vérités sur le système sans subir cette chicote qui nous empêche de parler sérieusement ?

Comme tu le sais déjà, la plupart de nos parents n'ont rien, mais alors, rien fait pour nous éduquer et cette simple question de comment se comporter dans ce genre d'environnement, ne trouve de réponse nulle part, surtout pas auprès de nos parents. On manque d'expérience pour approcher la question efficacement. La conséquence se voit dans nos ouvrages qui n'osent jamais toucher frontalement nos véritables problèmes, mais juste les caresser ou tout simplement, être consciemment hors sujet pour ne pas fâcher le maître.
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On est comme aveuglé, non pas qu'on est bête mais parce qu'on est comme les premiers humains venus sur terre, par absence d'héritage intellectuel, on doit tout redécouvrir par nous-mêmes, et je sais que tu sais de quoi je parle prof.

Et je pense que c'est là la différence avec toi, tu as découvert tellement de choses par toi-même, alors que nous tous pensions par erreur que les enseignements reçus du système seraient suffisants pour organiser notre lutte de libération pour le peuple noir.

Pour n'avoir eu aucune expérience hors de ce que le système a prédisposé pour moi, je me sens tout d'un coup inutile, même pour une telle hypothétique bataille, car pour être utile, j'aurais dû avoir quelque chose de concret sous le bras, pour des raisons de stratégie et de crédibilité, voilà ma leçon de vie en la matière.

En tout cas, depuis ma formation au Rinvindaf Montréal-2 l'année dernière (2015), cela a été vraiment une année violente pour moi. je n'aurais jamais pensé qu'il y avait autant de zones d'ombres et d'endoctrinement dans l'air. J'ai littéralement changé de personnalité, je suis en train de devenir "moi". Encore aujourd'hui et chaque jour, je découvre un peu plus mes forces, je comprends chaque jour à quel point mon esprit est, jusqu'à preuve du contraire, infini.

En même temps, prof, je trouve que tu as beaucoup de défauts, notamment ta propension à nous dire continuellement que c'est jamais assez. Honnêtement, parfois, j'ai eu envie de te prendre dans mes bras et te secouer énergiquement de droite à gauche ! Mais sur le fond, j'ai envie de dire : en toi, j'ai quand même trouvé je crois un familier dans la population africaine, qui laissera, quoique je dise, une trace indélébile dans ma trajectoire de vie. Tu ne réalises toi même pas à quel point ce genre d'actions que tu mènes sème des graines qui vont donner des fruits époustouflants dans quelques années.canada

Dis-toi prof, il y a un an j'étais un peu à la dérive comme tous ces africains et afro-descendants qui croient être arrivés et passent l'essentiel de leur temps libre à faire des fêtes, parce que le patron blanc leur a donné un peu de miettes en leur disant qu'ils sont de braves travailleurs.

Aujourd'hui, en pensant à l'Afrique, qui coule dans mes veines, et ma mission de vie, j'ai trouvé la force de revoir toute mon hygiène de vie : plus d'alcool ni de boisson, que de l'eau ; sport quotidien le matin; hygiène alimentaire attentive ; lectures stratégiques ; vie sociale revisitée ; et le fameux "sentiment d'urgence" avec ce mot auquel je pense matin, midi et soir :"Liberté"...

Comme se le répéterait un homme assoiffé de vivre et qui avait su tromper sa soif grâce à un profond mirage d'un océan de prospérité, alors qu'il avançait sur un désert sans fins. Je suis devenu, à travers le filtre africain de mon existence, un obsédé de la liberté. Je ne pense qu'à ça et j'agis à travers cette obsession, pour moi, ma famille, et un jour, on pourra le dire, car il finira par jaillir fermement, "mon peuple".

Donc oui, il y a bien quelque chose d'extraordinaire, un potentiel immense à réveiller, il faut aller jusqu'au bout, c'est violent, mais ça marche, et j'ai envie de dire quelque part, c'est autant violent que l'esprit atteint était enraciné dans l'illusion, ça donne simplement la mesure du sommeil, bref, courage prof Pougala.

Toussaint (nom d'emprunt)

Port-au-Prince le 8 avril 2016

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A LA DECOUVERTE DE HANNAH ARENDT  de Jean-Paul Pougala)
 

Mardi le 27/10/2020


Leçon de Géostratégie Africaine n° 54
Dimanche le 12/05/2013

Le livre que j’ai sur ma table de chevet en ce moment est celui d’une penseuse qui m’a beaucoup façonné, et dont j’ai lu et relu les livres tant de fois et à chaque fois, c’est la même émotion, le même plaisir. Il s’appelle Hannah« La crise de la culture » publié en 1961 par Hannah Arendt. Un autre livre que j’adore de cette Grande dame s’appelle : « Condition de l’homme moderne », publié en 1958. Avant de vous parler de sa pensée et de ces 2 livres qui font partie de mes préférés, un mot sur l’auteur.

Hannah Arendt (1906-1975) est une penseuse d’origine allemande, naturalisée américaine. Ses ouvrages sont aujourd’hui enseignés dans les facultés de sciences politiques et de sociologie du monde entier.

Dès l’âge de 14 ans c'est la  découverte du livre:  "La critique de la raison pure" de Emmanuel Kant qu'elle dévore en une seule journée va transformer à jamais sa perception de la vie et ses passions qui vont suivre. Elle va ainsi chercher à tout lire des penseurs de l’antiquité et pour bien le faire, il faut parler grec et latin. Ce qu’elle fait avec brio. A tel point qu’à l’âge de 16 ans elle crée son premier club de lecture et de recherche sur la littérature antique. A 18 ans, elle passe son baccalauréat comme candidate libre et entre à l’Université où elle étudie philosophie, métaphysique et théologie.

En 1941 grâce à un faux visa, elle fuit l’Europe où les Juifs sont pourchassés de partout, pour les Etats-Unis, pour New-York. Ici elle connaitra 10 ans de galère, de misère. Elle passe des jours sans manger. Elle décide alors de se déplacer vers la région de Boston où il est plus facile de trouver les petits boulots. Ici, elle va vivre de ce qu’on appelle gentiment aujourd’hui de "services à la personne". Il s’agit prosaïquement de faire le ménage chez les personnes plus fortunées. Cette expérience va bouleverser Hannah, ce qui va l’amener à s’intéresser tardivement à de nouvelles disciplines comme la Sociologie et la pensée Politique. Elle part de sa propre condition de vie personnelle pour écrire alors de petits éditoriaux qui sont publiés par différents journaux américains. Elle débute ensuite avec une carrière d’enseignante qui va l’amener dans les plus prestigieuses universités américaines, comme Princeton où elle devient en 1951, la première femme professeure dans cette université.

C’est l’ensemble de ces éditoriaux publiés précédemment dans les journaux américains comme The New Yorker qui sont regroupés dans le livre avec le titre original « Between Past and Future » qui sera ensuite converti en « La crise de la culture ».

CONCEPT DE L’HISTOIRE

Dès la première ligne de la préface, Hannah annonce les couleurs avec une citation du poète Réné Char qui dit : « notre héritage n'est précédé par aucun testament » et «moi je me sers où je peux ». Et c’est un très grand avantage de notre temps. Selon le poète, nous sommes donc entièrement libres d'utiliser où que nous le voulions les expériences et les pensées du passé.

Nous sommes libres de puiser à toutes les sources. Le fait qu’il n’existe pas de testament est dû au fait que le trésor qui est légué par nos prédécesseurs ne porte pas de nom, ni de valeur encore moins de l’indication du lieu où il se trouve. Elle écrit « Le testament qui dit à l’héritier ce qui sera légitimement sien, assigne un passé à l’avenir. Sans testament, ou sans tradition, qui choisit et nomme, qui transmet et conserve, qui indique où les trésors se trouvent, et quelle est leur valeur, il semble qu’aucune continuité dans le temps ne soit assignée et qu’il n’y ait, par conséquent, humainement parlant, ni passé, ni futur, mais seulement le devenir éternel du monde, et en lui, le cycle biologique des êtres vivants ».

A la suite de cette citation de René Char, elle l’explique dans cette préface en prenant l’exemple sur les évènements de la Seconde Guerre mondiale en France : « L’effondrement de la France, évènement pour eux totalement inattendu, avait vidé, du jour au lendemain, la scène politique de leur pays, l’abandonnant à un guignols de coquins ou d’imbéciles ».

Pour Hannah, le vrai héritage se trouve dans la capacité de conscience des évènements, dans la pensée, dans le questionnement. Il n’existe pas d’histoire, sans la conscience de questionner, de méditer de ceux qui sont chargés de raconter le souvenir. A ce sujet, peut-on parler d’une histoire africaine, si les historiens n’ont pas la capacité d’interpréter même sur le plan philosophique la signification de la violence de l’occupation coloniale ? Si les historiens africains n’ont pas la conscience de se questionner, de méditer sur la douleur même des victimes des déportations des êtres humains ?

LA PENSÉE

Pour Hannah, tout ce qui se passe lorsqu'on pense est soumis à un examen critique. C’est-à-dire qu'il n'existe pas de pensée dangereuse pour le simple fait que y penser est en lui-même une entreprise dangereuse. Ne pas penser est encore plus dangereux, parce que le résultat de l'action humaine non précédée par la pensée est hautement risqué.

Hannah est contre la philosophie et les philosophes qui selon elle, font du boucan inutile, du bla-bla qui ne sert à personne. Elle va même jusqu’à affirmer que la philosophie n’existe pas. Elle dit que la pensée n’est utile à la société que si elle naît d’évènements et d’expériences vécus. La phrase dit exactement ceci :

« Pour être confirmée dans mon identité, je dépends entièrement des autres (…) La pensée naît d'événements de l'expérience vécue et elle doit leur demeurer liée comme aux seuls guides propres à l'orienter. Aucune philosophie, aucune analyse, aucun aphorisme, aussi profonds qu'ils soient ne peuvent se comparer en intensité, en plénitude de sens, avec une histoire bien vécue et racontée ».

En d’autres mots, c'est l'expérience qui sert de borne, de jalon à la pensée, c'est l'expérience qui sert de phare, de repère à l’évolution, au progrès de la pensée, d'orientation à celle-ci. Elle est pour cela influencée par son professeur et amant Heidegger qui murissait un certain mépris à la biographie de certains auteurs considérés comme des sommités alors que sur le plan de l’action et du concret, ils n’avaient rien inventé. Il dira à propos du philosophe grecque pour se moquer de lui : « Sa vie et sa pensée ? Il naquit, il vécut, il mourut ». Dans la lettre qu’il écrit à Hannah il affirme : « Fréquenter les paysans est plus intéressant pour un penseur que fréquenter les collègues à l'université ».

COURAGE

Pour Hannah, la qualité majeure d’un penseur n'est pas l'intelligence, mais c'est son courage. Courage d'affronter le monde, courage d'aller contre le statu quo, courage d'aller contre la pensée unique, courage d’aller vers les autres cultures, courage d’affronter la diversité.

NATALITE

La faculté humaine de natalité, du commencement, de rebondir sur les difficultés de la vie. C'est au moment où nous avons perdu toutes les balises, tous les repères qu'il nous est donné la chance d'un nouveau commencement. C’est lorsque nous avons touché le fond que notre intelligence doit voir en cela une chance, celle de renaître, celle de repartir avec un élan plus motivé. Pour Hannah, l’échec n’est pas en soi quelque chose de mauvais, de définitif si nous avons à notre service la pensée pour la convertir en naissance. Et lorsqu’on renaît sur la base d’une douleur, d’un échec, on a tous les avantages pour rebondir plus que les autres.

Ne pas penser est encore plus dangereux que penser.

CRIMINEL

Hannah dit que nous sommes tous des criminels chaque fois qu’un être humain commet un crime, puisque cette personne appartient à l’espèce humaine, porte les mêmes gènes que nous tous. Et donc, ce qu’il vient de faire, chacun de nous peut le faire. C’est la théorie dite de la banalité du criminel. Puisqu’il est normal comme les autres. C'est un individu ordinaire et non le monstre qu'on voudrait. Nous avons la responsabilité d'appartenance à une espèce qui commet le mal. Elle n’excuse pas le criminel, mais elle nous invite à réfléchir sur notre responsabilité d'une espère humaine qui crée le mal. Ce mal n'est pas un objet, une nature et le criminel le monstre. Pour elle, le fait de vouloir exclure le criminel de l'humanité au motif qu'il est criminel, donc, qu'il est inhumain, c’est-à-dire indigne de vivre parmi nous, est se mentir à soi-même. C'est l'artifice pour se détourner de la vraie question et éviter d'affronter la controverse de notre humanité criminelle.

Près de 40 ans après sa mort, on peut lui donner raison en commentant l’actualité de ces jours des Etats-Unis d’Amérique, son pays d’où elle formule sa pensée.

Aujourd’hui, en 2013, que ce soit les bombes du marathon de Boston à la séquestration de Cleveland, les Américains cherchent et trouvent avant tout le monstre. Selon sa pensée, que ce soit à Boston qu’à Cleveland, il n’y a pas de monstre. Ces criminels sont des Américains normaux et ne sont que le thermomètre de la société américaine, la plus violente du monde. Les statistiques de ces 40 dernières années parlent clair : les USA avec seulement 5% de la population mondiale, concentrent les 80% des tueurs en série, plus de la moitié des prisonniers dans le monde. Vouloir à tout prix voir dans chaque criminel un monstre empêche de s’interroger sur ce thermomètre de la société. L’auteur des séquestrations des 3 femmes sera certainement exécuté. Mais cela n’aura pas répondu à la question qui fâche : pourquoi la société peut-elle générer un tel individu ? Si on ose cette question, on commence par voir qu’un homme qui séquestre 3 femmes pendant 10 ans est le reflet d’une société misogyne, avec une forte propension religieuse pour attribuer à la femme la seule fonction de faire des enfants et s’occuper de l’homme. C’est le thermomètre de notre humanité qui hait et méprise la femme, Ailleurs, ce sont les femmes qui sont tuées ou violées tout à fait impunément. Dans plusieurs pays même occidentaux il y a des lois qui protègent les violeurs ou les assassins des femmes, c’est le sacro-saint principe du « crime passionnel », ou en stipulant par exemple qu’une femme qui au moment des faits portait un pantalon Jeans ne peut pas accuser un homme de viol (Italie). Ces violeurs collectifs en Inde ou ces assassins de leurs épouses ou ex-épouses en Allemagne ou en Italie ne sont pas des monstres. Ils sont normaux, ils sont nous-mêmes. La preuve : les tribunaux savent être indulgents à leur égard, il suffit de demander 20 fois à la même fille de raconter à 20 fonctionnaires différents comment elle a été violée et les prochaines filles ne tenteront plus de déposer la plainte. Et donc, le malchanceux qui sera pris sera un homme tout à fait normal, mais qui sera tombé sur une femme qui a le courage d’affronter ce que James Brown a appelé dans l’une de ses chansons : « THIS IS THE MAN’S WORLD »

DEMOCRATIE

Hannah dit que c’est un leurre de vouloir classer les penseurs en libéraux et socialistes. Et que ce sont des schémas qui servent à créer une confusion dans laquelle on fait facilement passer pour vrai tous les mensonges possibles. Ainsi, la démocratie ne peut pas être un système juste où les gens vont voter, sont libres de parler, même pour ne rien dire, libre de prier ou ne pas prier. Pour Hannah, la démocratie devrait être juste capable de répondre à cette question :

« Le peuple a-t-il la possibilité de "vouloir que ceci ou cela soit autrement" ? »

Si tel n’est pas le cas, il n’y a pas de liberté, il n’y a pas de démocratie. Et d’où le constat amer que nulle part sur cette planète il n’existe un peuple qui soit capable de vouloir que quelque chose soit autrement et l’obtienne. Il y aura toujours des experts pour se succéder à la radio, à la télévision pour contribuer à orienter le peuple comme des moutons vers l’abattoir en lui expliquant pourquoi c’est dans son bien d’obéir et se taire.

QUELQUES CITATIONS DE HANNAH ARENT

1- "Les hommes normaux ne savent pas que tout est possible".

2- "La liberté d'opinion est une farce si l'information sur les faits n'est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l'objet du débat"

3- "Dans la solitude, je suis "parmi moi-même", en compagnie de moi-même, et donc deux-en-un, tandis que dans la désolation, je suis en vérité un seul, abandonné de tous les autres."

4- "Parce que le monde est fait par des mortels, il s'use; et parce que ses habitants changent continuellement, il court le risque de devenir mortel comme eux (...) Notre espoir réside toujours dans l'élément de nouveauté que chaque génération apporte avec elle."

5- "Ce que nous avons devant nous, c'est la perspective d'une société de travailleurs sans travail, c’est-à-dire privés de la seule activité qui leur reste."

6- "Les plus grandes méchancetés de l'histoire sont commises par les hommes les plus insignifiants".

7- « La société de masse ne veut pas la culture mais les loisirs. »

- « Le tiers-monde n'est pas une réalité mais une idéologie. »

9- "La société de masse est peut-être encore plus sérieuse, non en raison des masses elles-mêmes, mais parce que cette société est essentiellement une société de consommateurs, où le temps du loisir ne sert plus à se perfectionner ou à acquérir une meilleure position sociale, mais à consommer de plus en plus, à se divertir de plus en plus (...) Croire qu'une telle société deviendra plus "cultivée" avec le temps et le travail de l'éducation, est, je crois, une erreur fatale (...) l'attitude de la consommation, implique la ruine de tout ce à quoi elle touche."

10- « Si tu réussis à paraître devant les autres ce que tu souhaiterais être, c'est tout ce que peuvent exiger de toi les juges de ce monde. »

11- "La pensée critique n’est possible que là où les points de vue de tous les autres sont ouverts à l’examen. C’est pourquoi la pensée critique, qui est pourtant une affaire solitaire, ne se coupe pas de « tous les autres ». Il poursuit assurément son chemin dans l’isolement, mais, par la force de l’imagination, il rend les autres présents et se meut ainsi dans un espace public potentiel, ouvert à tous les points de vue ; en d’autres termes, il adopte la position du citoyen du monde kantien. Penser avec une mentalité élargie veut dire qu’on exerce son imagination à aller en visite."

12- « C'est dans le vide de la pensée que s'inscrit le mal. »

13- « La pensée naît d'événements de l'expérience vécue et elle doit leur demeurer liée comme aux seuls guides propres à l'orienter. »

14- « Ce qui séduisait l’élite, c’était l’extrémisme en tant que tel. »

15- « Ce que voulait la populace, c’était d’accéder à l’histoire, même au prix de l’autodestruction. »

16- « La principale caractéristique de l’homme de masse n’est pas la brutalité ou le retard mental, mais l’isolement et le manque de rapports sociaux normaux. »

17- « Aimer la vie est facile quand vous êtes à l’étranger. Là où personne ne vous connaît, vous tenez votre vie entre vos mains, vous êtes maître de vous-mêmes plus qu’à n’importe quel moment. »

18- « Le progrès et la catastrophe sont l’envers et le revers d'une même médaille. »

19- « Toutes les choses qui doivent leur existence aux hommes, comme les œuvres, les actions et les mots, sont périssables, contaminées, pour ainsi dire, par la mortalité de leurs auteurs. »

20- "le danger est qu'une telle société, éblouie par l'abondance de sa fécondité, prise dans le fonctionnement béat d'un processus sans fin, ne soit plus capable de reconnaître sa futilité."

21- "La tromperie n'entre jamais en conflit avec la raison, car les choses auraient pu se passer effectivement de la façon dont le menteur le prétend. Le mensonge est souvent plus plausible, plus tentant que la réalité, car le menteur possède le grand avantage de savoir d'avance ce que le public souhaite entendre ou s'attend à entendre."

22- « Sans les masses, le chef n’existe pas. »

23- "connais-toi toi-même"

24- "Pour le penseur, les mots justes trouvés au bon moment sont de l'action. »

25- " Le danger du préjugé consiste précisément en ce qu'il est à proprement parler toujours - c'est-à-dire de manière extraordinairement solide - ancré dans le passé, et c'est la raison pour laquelle non seulement il précède le jugement en l'entravant, mais encore il rend impossible à l'aide du jugement toute véritable expérience du présent. Si l'on veut détruire les préjugés, il faut toujours en premier lieu retrouver les jugements passés qu'ils recèlent en eux, c'est-à-dire en fait mettre en évidence leur teneur de vérité. "

RELATION D’UNE ELEVE JUIVE AVEC SON PROF CATHOLIQUE

En librairie, surtout en Allemagne, vous trouverez la collection de la correspondance d’amour qu’elle a échangée en secret avec son amant et professeur Heidegger. Hannah avait dix-huit ans, Heidegger en avait le double. Il était le maître, elle était son élève et, surtout dans cette Allemagne conservatrice, elle était juive et il était catholique marié à une femme antisémite, père de deux enfants. Lorsqu’à la fin de la guerre Heidegger est accusé de nazisme, c’est Hannah qui va retourner en Allemagne juste pour se porter au secours de son ex-amant. Leurs lettres sont conservées aux archives municipales de la ville de Marbach en Allemagne. Ci-dessous, juste Un extrait des 3 premières lettres que Heidegger envoie à son élève et que j’ai prises de l'ouvrage d'Antonia Grunenberg, responsable du Centre Hannah Arendt de l'université Oldenburg. Les réponses de Hannah à son maître, vous les trouverez en librairie.

10.II. 1925

Chère Mademoiselle Arendt,

Il faut que je vienne ce soir encore auprès de vous, en m'adressant à votre cœur.
Tout doit être simple, limpide et pur entre nous. Alors seulement nous serons dignes d'avoir eu l'heur de nous rencontrer. Que vous ayez été mon élève, et moi votre maître, cela ne fut jamais que l'occasion propice à ce qui nous est arrivé.

Jamais je ne pourrai m'arroger le droit de vous vouloir pour moi, mais vous ne sortirez plus de ma vie, à quoi elle devra une vivacité accrue.

Nous ne savons jamais ce que nous pouvons devenir pour d'autres, à simplement être. Encore que nous sachions fort bien, à la réflexion, combien nous pouvons être destructeurs à leur égard, et leur mettre d'entraves.

Quant à la voie que va prendre votre vie encore si juvénile, cela demeure en réserve. Qu'il nous suffise de nous plier à cette vie à venir. Ma loyauté envers vous vise uniquement à vous être de bon secours pour que vous demeuriez loyale envers vous-même.

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21. II. 1925

Chère Hannah,

Pourquoi l'amour est-il d'une richesse sans commune mesure avec d'autres possibilités accordées à l'être humain, et un suave fardeau à ceux qu'il atteint, sinon parce que nous nous métamorphosons en ce que nous aimons tout en demeurant nous-mêmes ? Envers ce que nous aimons, nous éprouvons alors de la gratitude, et ne trouvons rien qui y satisfasse.

Remercier, cela ne se peut qu'en se faisant soi-même remerciement. Il appartient à l'amour de métamorphoser la gratitude en loyauté envers soi-même comme en foi inconditionnelle en l'autre. Ainsi l'amour ne cesse-t-il d'amplifier notre propre secret.

La proximité consiste, en l'occurrence, à être dans l'extrême distance par rapport à l'autre, distance qui ne laisse rien devenir flou, mais au contraire permet à un "toi" de se situer au sein de ce qu'a de diaphane mais aussi d'inconcevable, en une telle manifestation, le fait tout bonnement qu'elle ait eu lieu. Que la présence de l'autre fasse soudain irruption en notre vie, il n'est pas en notre pouvoir ni en nos ressources d'en endiguer le flux. Une destinée humaine s'offre à une humaine destinée, et se mettre au service du pur amour, c'est alors garder ce don de soi aussi vivace qu'au premier jour.

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27. II. 1925

Chère Hannah,

Le démonique m'atteint de plein fouet. L'apaisante prière de tes chères mains jointes et ton front resplendissant en sont les âmes tutélaires, dans la transfiguration qu'en accomplit ta féminité.

Jamais rien de tel ne m'est arrivé.

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Pour plus d’information sur Hannah Arendt, j’invite tous ceux qui vivent en Amérique du Nord et en Europe d’aller voir au cinéma ces jours-ci, le film qui
est sorti depuis le 26/04/2013 qui parle de sa vie et de la pensée à partir de 1960 et qui s’intitule tout simplement : Hannah Arendt de Margarethe Von Trotta. Allez le regarder, si vous le pouvez.


Jean-Paul Pougala
Diplômé de l’école de la vie du ghetto africain.
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Dimanche le 12/05/2013


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